Automobile : Que devient votre voiture quand elle est « bonne pour la casse

Le pare-chocs est enfoncé, la porte latérale avant droite ne ferme plus, les vitres sont explosées, la carrosserie rayée et cabossée… Après vingt ans sur les routes, cette Peugeot 307 est « bonne pour la casse ».

L’expression résonne bien souvent comme un verdict implacable. Comme s’il n’y avait plus rien à tirer du véhicule… Pour rouler peut-être. Mais chez Indra Automobile Recycling, on voit les choses différemment. Sur son site de Romorantin (Loir-et-Cher), l’entreprise, détenue à parts égales par Renault et Suez, voit passer entre 4.500 et 5.000 véhicules par an. La plupart à bout de souffle ou gravement accidentés.

Des casses automobiles qui se réinventent

Quelle que soit leur histoire, tous passent automatiquement par l’atelier « expertise », sous le regard aiguisé de Valérien, à ce poste le jour de notre venue. « Il a vingt minutes pour examiner le véhicule sous toutes les coutures, déterminer ce qui est récupérable et les pièces qui intéresseront le marché de l’occasion sur ce modèle », raconte Olivier Gaudeau, directeur ingénierie d’Indra. Ses consignes seront envoyées aux opérateurs, dans le hangar d’à côté, qui attendent de désosser la voiture.

Vous l’avez compris, le site Indra de Romorantin est une casse automobile. Ou plutôt un centre véhicules hors d’usage (VHU), terme qui rend mieux compte de l’effort de modernisation qu’ont fait ces structures ces dernières décennies. L’Ademe en dénombrait 1.680 agréés en France en 2020, qui avaient pris en charge 1.331.185 voitures.

35 à 40 % de la masse des véhicules prélevés en vingt minutes

Dans ce paysage, le site d’Indra à Romorantin a une place particulière, se voulant en pointe. « On fait beaucoup de recherche et développement, explique Olivier Gaudeau. Une quinzaine d’ingénieurs travaillent à la mise au point de nouvelles machines et méthodes. » Pour désosser les voitures, Indra a ainsi créé une chaîne de montage typique d’une usine automobile. Mais à l’envers, les voitures perdant du lest au fur et à mesure qu’elles avancent sur le rail.

Les pneus, les portes, le capot, les pare-boue, les projecteurs, les feux, sans oublier le groupe motopropulseur… « En six postes de travail et vingt minutes, on prélève 35 à 40 % de la masse des véhicules [1,2 tonne en moyenne] », indique Olivier Gaudeau. Indra récupère entre 10 et 15 pièces par voiture. « La moyenne, c’est 12 dans les centres VHU français, glisse Eric Lecointre. Au total, 11 millions de pièces détachées sont ainsi récupérées chaque année pour alimenter le marché de l’occasion ». C’est une première mission des casses automobiles. « Elles permettent d’avoir accès à des pièces vérifiées, de qualité et à plus faible impact environnemental que si elles étaient neuves, reprend l’expert de l’Ademe. Un rôle d’autant plus clé que la forte inflation de ces dernières années rend les pièces neuves très chères. »

Olivier Gaudeau, directeur ingénierie d'Indra Automobile Recycling.
Olivier Gaudeau, directeur ingénierie d’Indra Automobile Recycling. – F.Pouliquen/20minutes

« Plus aucune casse ne laisse passer un pot catalytique »

Mais les Centre VHU ne font pas que dans la pièce détachée. Une bonne partie de ce qu’ils récupèrent l’est à des fins de recyclage ou de valorisation énergétique. Là encore, Indra Romorantin cherche à pousser la logique le plus loin possible. La visserie est récupérée, triée et envoyée à un spécialiste, qui les fondera pour en faire de nouveaux boulons. Même chose pour les quelques litres de fluides que contiennent immanquablement les voitures. Carburant, liquide de freins, de refroidissement… « On les collecte séparément, détaille Olivier Gaudeau. Les carburants sont réutilisés sur le site. Le reste sera valorisé énergétiquement. » Autrement dit brûlé pour produire de la chaleur.

Surtout, qui dit voiture dit métaux stratégiques à récupérer. Là encore, l’enjeu est de taille à l’heure où la France cherche à accroître sa souveraineté en la matière et les constructeurs à éviter les ruptures d’approvisionnement. « Plus aucun centre VHU ne laisse passer un pot catalytique, illustre Olivier Gaudeau. Ils contiennent du paladium, du platine, du rhodium, autant de métaux rares clés dans la transition énergétique. » Même chose pour les câbles. Indra en retire entre 9 et 10 kg par voiture, qui seront revendus là encore à des spécialistes. Ils en récupéreront le cuivre notamment, autre métal dont on craint une pénurie mondiale d’ici à 2030.

Bouleversements majeurs en vue ?

En bout de chaîne, il ne reste guère plus que l’ossature. Compactée en un petit cube, elle sera expédiée à un broyeur qui se chargera de récupérer des plastiques et métaux qui n’ont pas pu l’être. Finalement, les centres VHU parviennent à un taux de réutilisation et de valorisation de 95 % de la masse moyenne des véhicules. Soit l’objectif assigné par l’actuelle directive européenne.

Pour autant, ce n’est pas le moment de se reposer sur ses lauriers. Une nouvelle directive est en cours de négociation et s’ajoute à la loi Agec, promulguée en 2020. Elle entend mettre la France à l’économie circulaire, y compris la filière automobile, en créant une filière responsabilité élargie du producteur (REP) sur les véhicules hors d’usage. L’objectif global de 95 % devrait rester inchangé. En revanche, ces textes vont préciser la manière d’y arriver. « Les constructeurs devront incorporer un pourcentage de matières recyclées dans leurs voitures neuves, s’attendent ainsi Eric Lecointre et Olivier Gaudeau. Surtout, ils devront gérer la fin de vie de leurs véhicules en s’assurant qu’ils soient bien pris en charge par des centres agréés, qu’on atteint sans difficulté les objectifs de valorisation demandés. »

… Et arrivent les voitures électriques

De quoi mettre les casses automobiles au cœur des enjeux à venir. « A Romorantin, on travaille déjà avec des constructeurs à l’amélioration de la recyclabilité de leurs futurs véhicules », raconte Olivier Gaudeau. Pas simple tant les voitures sont devenues des objets complexes, avec de plus en plus d’électronique embarqué ou de pièces mélangeant les plastiques, les rendant difficiles à recycler.

A Romorantin, Indra commence à voir arriver les premiers véhicules électriques, qui bousculent l'organisation du site. Une nouvelle étape s'ajoute, délicate : celle de la récupération et de la mise en sécurité des batteries. Indra forme des opérateurs spécifiquement à cette tâche.
A Romorantin, Indra commence à voir arriver les premiers véhicules électriques, qui bousculent l’organisation du site. Une nouvelle étape s’ajoute, délicate : celle de la récupération et de la mise en sécurité des batteries. Indra forme des opérateurs spécifiquement à cette tâche. – F.Pouliquen

Et on n’a pas parlé des véhicules électriques. Peu à peu, elles commencent à arriver à Romorantin. Des gravement accidentés pour l’instant, « qui nous demandent déjà de revoir notre organisation, en créant une étape supplémentaire au cours de laquelle il faut retirer et sécuriser la batterie », précise Olivier Gaudeau. Une opération délicate où il faut éviter l’électrocution ou l’incendie.

Se pose ensuite la question de ce qu’on en fait. « Le règlement européen est clair : c’est au constructeur de la reprendre et de s’assurer de son recyclage », assure Olivier Gaudeau. « Dans les faits, ils n’en font rien, s’agace-t-il. Nous nous retrouvons à stocker, sur notre site, une dizaine, voire une centaine de batteries. » Voilà encore un autre axe d’amélioration pour la filière.

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