Cassandra Lebert vit avec l’endométriose depuis deux ans. À cause de la maladie, sa vie a changé du tout au tout. Elle raconte son combat de chaque jour face à la douleur, et face à un monde médical encore trop peu sensibilisé.
Depuis deux ans, la vie de Cassandra Lebert, 31 ans, a changé du tout au tout. Cheffe d’entreprise à Tours, élevant en couple sa fille de 12 ans… elle réside désormais chez ses parents à Romorantin-Lanthenay, en Loir-et-Cher. Elle y occupe un emploi salarié dans la grande distribution.
L’endométriose est passée par là. La maladie touche une femme sur dix en France, et ses causes sont encore assez floues. Elle entraîne le développement de tissu utérins en dehors de l’utérus. Chez Cassandra, au quotidien, elle se manifeste par « des crampes partout quand je me lève, des douleurs pelviennes comme si on m’arrachait le ventre, qui irradient dans les lombaires et dans les jambes« , raconte-t-elle.
Et ça, ce n’est encore rien comparé à ses épisodes de crise, qui surviennent environ tous les trois ou quatre mois (et qui l’alitent pendant deux à trois semaines) :
Je hurle de douleur, en me demandant toujours comment j’ai fait pour survivre à la précédente. Comme je dis toujours : un acouchement, à côté, c’est les doigts dans le nez.
Cassandra Lebert
Depuis quelques années, cette maladie, longtemps ignorée par la société et sous-évaluée par le corps médical, a fait irruption dans le débat public. Les associations communiquent, informent. Et l’endométriose et ses conséquences sont de mieux en mieux connues du grand public, et des gouvernants.
Ce jeudi 7 mars, la ministre du Travail, Catherine Vautrin, a ainsi annoncé une « mobilisation […] totale » sur le sujet. Avec, notamment, le remboursement d’un test de dépistage salivaire expérimental, promis pour 2025.
Cassandra Lebert, elle, a subi un dépistage bien plus lourd : une biopsie, une opération chirurgicale visant à prélever des tissus et à les analyser ensuite. Lorsque le diagnostic tombe, c’est presque soulagement : « Je me suis dit que je n’étais donc pas folle.«
Car, en France, une femme met en moyenne sept ans avant d’obtenir un diagnostic confirmant une endométriose. Cassandra, elle, a eu plus de chance et a échappé à une errance médicale de plusieurs années, mais n’a pas échappé aux « stéréotypes » : « On me disait que c’était normal que j’ai mal pendant mes règles, que je n’avais rien… S’ils ne voient rien à l’imagerie, ils disent que c’est dans ma tête.«
Et même après son diagnostic officiel, ça continue. Lors de ses dernières crises, elle fait appel au Samu, alors qu’elle est « au bord du malaise, vomissant de douleur« . Mais à l’hôpital, « on me dit que j’ai une gastro, on me dit de rentrer chez moi« . En Centre-Val de Loire, elle assure ne pas avoir trouvé l’interlocuteur hospitalier adéquat. « Je voudrais pouvoir être hospitalisée pendant une crise, pour que je sois en observation, que ça n’empire pas, pour m’aider à m’alimenter. » Mais, sa douleur n’étant pas soulageable, aucun établissement n’accepte de la prendre en charge.
Résultat, elle doit aller toquer à la porte d’un établissement de Nantes. C’est aussi là-bas qu’exerce sa médecin actuelle. Suivie au départ par un médecin d’Angers, elle choisit d’en changer, estimant que son traitement ne fonctionne pas. « Les opiacés ne me faisaient rien, la morphine ne me faisait rien, alors que j’étais à 100 mg« , assure-t-elle.
Depuis deux ans, elle a essayé les anti-inflammatoires, des antidouleurs, des antiépileptiques pour les douleurs dans les jambes, de l’électrostimulation… Elle doit aussi prendre une pilule « controversée« , aux effets secondaires potentiellement dangereux. « Ça pourrait me donner une tumeur des méninges, donc je dois passer un IRM tous les ans pour être sûre. » Finalement, seul le paracétamol codéiné soulage ses douleurs quotidiennes.
Car, à ce stade de connaissance médicale sur la maladie, ses symptômes peuvent être traités (et encore), mais très difficilement ses causes. L’opération pour retirer des lésions est une solution de dernier recours, et il n’existe à ce stade aucun traitement permettant de vaincre l’endométriose.
Malgré cela, Cassandra Lebert espère pouvoir « retrouver [sa] vie d’avant« . « J’ai dû prendre un emploi salarié parce que je ne pouvais pas ne plus toucher de salaire pendant trois semaines« , explique-t-elle. Elle élève sa fille de 12 ans, mais ne peut plus s’en occuper pendant ses crises. « Heureusement, mes parents m’aident. » Elle aimerait pouvoir retrouver son indépendance et vivre de son côté. « Mais parfois, je me demande comment je pourrais faire.«
Elle souhaite désormais que la société continue d’ouvrir les yeux sur l’endométriose, ce « handicap invisible qui fait que les gens ne voient pas la douleur« .
On m’a dit : « Mais tu as eu un enfant ! » Sauf que l’endométriose ne rend pas forcément stérile. Et les gens qui disent ça ne savent pas que j’ai eu quatre grossesses en tout. Mais heureusement que mon endométriose s’est déclarée tard, à 29 ans, et que j’ai eue ma fille jeune. Je ne sais pas si je pourrai avoir un autre enfant.
Cassandra Lebert
Sur ses réseaux sociaux, elle partage son expérience, et tente d’informer. « Certaines personnes confondent avec la mucoviscidose, rit-elle, un peu jaune. Je fais ma part, même si c’est pas grand-chose. » Elle voudrait que les petites filles entendent parler de l’endométriose dès le collège. « Si j’avais su plus tôt… j’avais des signes déjà à l’époque. Des règles hémorragiques dès 13 ans par exemple.«
Cassandra Lebert n’a pas eu de crise d’endométriose depuis octobre 2023, soit presque cinq mois. Un record pour elle depuis que sa maladie s’est déclarée. Un « soulagement« . Mais une vraie épée de Damoclès, suspendue dans l’attente de la prochaine crise.
Jusqu’à ce 10 mars, se tient la semaine européenne de prévention et d’information sur l’endométriose. Plusieurs associations sont mobilisées un peu partout en France sur les questions entourant la maladie. Notamment Endo Morphoses 28, active en Eure-et-Loir.
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